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Voyage et découverte : l'esprit d'aventure comme "style de vie"


Patrice Franceschi chez les Sakkudeï, sur l'île de Mentawaï.

Il ne sert à rien de voyager si c’est pour simplement se déplacer.


Qui n’a pas conscience de cette évidence à l’heure du tourisme de masse ? On circule de plus en plus entre la « cage des méridiens » et l’on voyage de moins en moins. C’est l’air du temps, dira-t-on, le résultat inévitable de la montée de l’insignifiance dans nos sociétés de divertissement généralisé, une conséquence parmi d’autres de la globalisation du village planétaire. Cendrars pleurerait de tristesse, Kessel hurlerait de rage, Hemingway se tirerait une seconde balle dans la tête, mais personne n’y peut plus rien : le voyage est devenu un « produit commercial » qui s’achète et se vend comme tout ce qui existe - ou presque. Il faut appeler désormais « résistants », ceux qui ne se résignent pas à la marchandisation du monde.


Le vrai voyageur-résistant, donc, - bientôt dernier des Mohicans - s’oblige à l’essentiel : la remise en cause de ses idées reçues sur les pays qu’il traverse, les hommes qu’il rencontre, les sociétés qu’il découvre. Il s’expose et parce qu’il s’expose il apprend. Le touriste-en vacances est vacant de tout et cherche ce qui fait son essence : le réconfort apporté par la confirmation des préjugés. Il se protège et parce qu’il se protège il n’apprend pas. Les tour-opérateurs ont été inventés pour lui. Toute protection a un prix.


Mais ne soyons pas davantage cruel et laissons là les méfaits de la croissance exponentielle des loisirs sur la dignité du voyage. Il y a mieux à faire en tournant notre regard vers ce qui peut encore sauver le voyage - et bien plus encore : l’esprit d’aventure, cette chose étrange, susceptible par son exigence d’apporter le vrai réconfort de l’esprit - c’est-à-dire un peu de grandeur à l’homme.


Il y a 2.500 ans, le poète grec Pindare qui se savait mortel parmi les mortels, écrivait sur un rouleau de papyrus : « Oh mon âme, n’aspire pas à la vie éternelle mais épuise le champ du possible ». Cette exhortation à un dépassement de la vie sur terre était également le premier appel littéraire à la liberté et aux liens qui l’unissent à l’esprit d’aventure. Pindare conjuguait en une phrase ce qui pouvait être consubstantiel à la littérature : la liberté, la vie, l’aventure. Les hommes qui l’écoutèrent alors furent de grands voyageurs, Hérodote le premier.


Vingt-cinq siècles plus tard, l’énergie vitale de Pindare et sa vision de « la vie bonne » - comme disent les philosophes - ne sont-ils pas les meilleurs remèdes au désenchantement de nos sociétés de plus en plus formatées, encadrées et surveillées ? Et l’esprit d’aventure l’un des derniers espaces de liberté où il est encore possible de respirer à son aise, d’agir et de penser par soi-même - de voyager véritablement ?


Alors, disons en quelques mots comment peut être compris cet esprit d’aventure : à mes yeux, il est la réunion de quatre « vertus » - au sens grec d’arété, principe d’excellence des choses :


1 - L’anticonformisme - compris comme potentialité de remise en cause de l’ordre des choses.

2 - L’aptitude au risque - comprise comme exaltation de la vie et dédain de la mort.

3 - Le besoin de liberté - compris comme tension vers la meilleure vie possible.

4 - Le désir de connaissance - compris comme encouragement à l’effort de compréhension du monde.


Découvrir ce dernier par le voyage est l’une des formes d’exercice de cet esprit d’aventure. Quand il en résulte des livres, on est certain de ne pas subir une suite d’anecdotes inutiles mais de voir l’expérience du voyage transformée en conscience.


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